Série photographique (extraits des portraits et paysages)
Livre (en cours)
Les Vénus est une série de portraits de femmes atteintes d’endométriose, variation photographique sur le thème de Vénus, Déesse de l’amour, de la beauté et de la fertilité. Cette référence mythologique rend hommage à toutes ces femmes guerrières, brisées dans leur ventre, leur sexualité, leur fécondité, mais qui continuent à se dresser pour lutter et sortir des eaux.
La maladie de l’endométriose touche une femme sur sept. Pourtant toujours mal diagnostiquée, elle atteint l’utérus où les parois de l’endomètre dégénèrent, créant kystes et lésions. Ceux-ci peuvent s’étendre dans le tube digestif, les poumons, parfois même le cerveau. Cause de règles douloureuses allant jusqu’à des contractions chroniques, pertes de sang, infertilité, intolérances alimentaires, fatigue chronique, infections urinaires, sciatiques... invalidante, elle peut finir, aux stades les plus graves (et plus rares), en nécrose mortelle ou en cancer.
L’endométriose est clairement une maladie de la féminité. On ne la prend pas au sérieux car il s’agit uniquement du sort des femmes.
Il faut souvent des années avant de trouver la cause de ses souffrances. Cette errance médicale créé un sentiment d’injustice doublé des impacts de l’endométriose sur la vie quotidienne : de la sphère personnelle à la sphère professionnelle, du handicap physique lié aux douleurs, à la charge économique.
En tant que femme moi-même touchée par cette maladie, je me suis permis de réaliser ce projet qui me tenait à cœur depuis très longtemps.
J’ai interviewé des femmes atteintes avant de les photographier, afin de construire un portrait représentatif de leur histoire personnelle, de leur vécu, évoquant leur parcours médical, du retard de diagnostic aux difficultés à la prise en charge, voire abandon des soins. La précarité dans l’accès aux soins est une réalité commune et la prise en charge des douleurs un combat. Ce projet met aussi en lumière les racines de cette maladie au travers d’histoires familiales et violences perpétrées sur les femmes générations après générations.
Les décors et mises en scène inspirés de leur histoire, traduisent par les textures, les couleurs, la pose et le décor, leur ressenti de la maladie. Il s’agit d’une représentation de ce que l’endométriose a cristallisé de plus fort chez elles. Ces Vénus hybrides laissent émaner, pour certaines une douceur qui contraste avec leur histoire et le mal invisible qui les atteint dans leurs chairs, pour d’autres elles renvoient à des images ou des sensations qui nous heurtent.
Ce projet protéiforme mêle art-thérapie, récit de vie et éducation à la santé pour adresser un message destiné à toucher le plus grand nombre, que l’on soit ou non, de près ou de loin, atteint par cette maladie aux effets ravageurs et souterrains.
Il faut en effet montrer la diversité des femmes touchées et la complexité, la violence des symptômes afin de sensibiliser et d’informer au maximum sur ce problème de santé majeur. D’autant qu’aucune solution de guérison à ce jour n’est proposée. Si l’endométriose continue de se répandre, pour autant, elle demeure une maladie déconcertante qui ne semble pas constituer une priorité pour la recherche ou la prise en charge.
(extrait)
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«Je me suis rendue compte qu’il y avait des tas de femmes exclues de cette dimension de sacralité du corps de la femme : de par cette maladie elles n’ont plus d’utérus ou sont sous camisole chimique. J’ai découvert qu’il y avait une pluralité de féminismes, d’endométrioses, de femmes qui ont l’endo... j’ai développé une nouvelle conscience de la femme.»
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«Il faut arrêter de dire aux femmes, d’être calmes et douces pour faire passer leur message. C’est hyper violent. Ma douleur, quand elle est à son comble, me donne envie de crier. Vous vous voyez dire à quelqu’un qui vient de recevoir un coup de couteau dans le ventre «Arrête ton cinéma !» ? c’est pourtant ce qu’on nous dit à nous, tous les mois, pendant des années, alors qu’on se tord de douleur.»
(extrait)
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On a annoncé à Debora qu’à 27 ans elle avait «une chance infime de pouvoir avoir un enfant et qu’il fallait qu’elle se dépêche».
La stérilité est devenu sa plus grande peur, qu’elle a choisi d’exorciser dans ce portrait.
«Ça fait du bien de voir le vécu des autres : on n’est pas seules, certaines ont réussi à avoir des enfants malgré des stades très avancés, c’est très réconfortant et ça donne de l’espoir».
(extrait)
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Pour Alice, son endométriose est liée à la mémoire cellulaire et dit les maux de sa famille qu’elle porte sans les avoir vécu. Un bagage très lourd : viol, inceste, qui se transmet génération après génération et se répète. Elle souhaite pouvoir mettre un terme à ce schéma pour ne pas le transmettre à son tour. D’autant qu’avoir des enfants est une finalité dans sa vie.
«Qu’il y ait autant de femmes atteintes c’est significatif. Il y a un problème de société autour de la considération de la femme. La parole du féminin est trop souvent tue, cachée ou taboue. Les femmes souffrent et se taisent. C’est l’histoire de la femme en général. Enfermée dans son corps et incomprise des hommes. L’utérus s’énerve, se rebelle, s’autodétruit. Il marche à l’envers, devient reflet du non-sens. Il ne veut plus servir ni à procréer, ni à l’acte sexuel.»
«Il y a aussi un sens à tout ça, des portes qui n’auraient jamais été ouvertes, des rencontres, une maturité, ce n’est pas que du négatif la maladie. Les choses s’équilibrent toujours.»
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(extrait)
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Pour Johanan, sa maladie est liée aux violences qu’on lui a fait subir en tant que femme, c’est son intimité qui s’est rebellée : elle a été excisée enfant par ses tantes au Sénégal, et plus tard, violée à plusieurs reprises par un cousin, chez elle.
Elle cherche à se reconstruire, tant psychologiquement que physiquement. Ce portrait parle du vol de son intimité qui l’affecte dans son développement de femme et qui la bloque dans sa vie relationnelle et professionnelle.
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(extrait)
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C’est à 27 ans, après de multiples aller-retours aux urgences et la rencontre avec une gynécologue qui fait partie du réseau endo, qu’on lui diagnostique à l’échographie une endometriose, mais aussi qu’on lui annonce qu’elle est enceinte. Elle a enfin sa réponse, une part d’elle est malade et pourtant la vie est là. Ce parallèle un peu fou vient équilibrer la nouvelle, mais rien n’est fini.
Lors de son accouchement, malgré des douleurs de travail très apaisées par la péridurale, la zone endométriosique elle, n’est pas réceptive aux anti-douleurs, notamment du côté droit, la douleur est terrible : «Il y avait comme un trou noir de douleur incommensurable qui aspirait tout au niveau du bas du ventre !»
Aurore a choisi un portrait qui parle de sa fille Rose et de sa maladie, ce ventre qui portait à la fois la vie et la douleur (ou la mort).
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